4 novembre 1918: il y a 100 ans, Claire Béatrix PONS succombait à la grippe espagnole

 

 

 

Claire Béatrix PONS, mon arrière arrière grand-mère, nait le 1er février 1875 à St Saturnin lès Apt, ferme de Garbis. Elle est la fille ainée de Joseph et de Marie Rose PONS, cultivateurs dont les familles sont établies au village depuis plusieurs générations.

Claire rencontre Philippe BOURGUE, ferblantier d’Apt, probablement lors du mariage de sa cousine Rose GAILLAC (elle même voisine de Philippe) à Marseille le 25 juin 1903. Ils se marient à Apt le 9 novembre 1907. Claire est alors âgée de 32 ans. Depuis l’abandon du costume traditionnel vers les années 1880, la mariée était vêtue d’une robe blanche, la tête couverte d’un voile retenu par une couronne de fleurs d’orangers, qui était ensuite conservée sous un globe dans la chambre à coucher des époux.

Rue des Marchands, Apt – 1905

Après leur mariage, le couple s’installe au n°5 rue des marchands à Apt, où Philippe possède son atelier de ferblanterie. Leur fille Marie Rose naît peu de temps après, le 23 septembre 1908. Le couple mène une vie confortable de commerçants.

 

 

 

 

 

 

 

 

***

Claire et Fortuné avant la Guerre

Fortuné PONS, frère de Claire, célibataire, est mobilisé le 3 aout 1914. Alors âgé de 38 ans, il intègre le 118e Territorial d’Avignon. Philippe, né en 1864 et âgé de 50 ans échappe à la mobilisation.

 

 

 

 

 

 

***

La fin de l’année 1918 apporte un soulagement quant à la fin imminente de la guerre. Mais au même moment, une épidémie meurtrière sévit en Provence, (et pas seulement), épidémie arrivée en France avec les troupes américaines selon toute vraisemblance et qui se propagea rapidement à toute l’Europe.

Alors que les pays belligérants avaient établi un « black-out » sur l’épidémie pour ne pas alarmer les populations, l’apparition de la maladie à Barcelone en mai et juin, puis bientôt dans toute l’Espagne, pays non touché par la guerre, ne fut pas dissimulée par la presse, qui révéla que le roi et la plupart de ses ministres étaient atteints. Ainsi, les journaux français parlaient de la « grippe espagnole » qui faisait des ravages en Espagne sans mentionner les cas français qui étaient tenus secrets pour ne pas faire savoir à l’ennemi que l’Armée française était affaiblie. Ce fut la raison pour laquelle cette épidémie fut alors connue dans le monde sous le nom injustifié de « grippe espagnole ».

Nombre de décès grippaux pour 10 000 hab. (sept 1918—avril 1919)

L’épidémie commence fin août, sévit durant l’automne et décline en décembre. Le pic de la mortalité est atteint mi-novembre. Bien que la famille PONS – BOURGUE ait été relativement épargnée par la Grande Guerre puisqu’elle ne compte aucun décès dans les tranchées, elle est toutefois atteinte par l’épidémie.

Est-ce,  comme me l’a rapporté Marie Rose Bourgue, son père qui l’aurait amené dans ses bagages en revenant de la foire de Marseille, ou bien la proximité avec certains voisins malades, ou encore, et c’est bien plus plausible, Fortuné, tombé malade dans les tranchées comme indiqué sur sa feuille matricule sans indication de la maladie, envoyé se faire soigner dans son foyer, les hôpitaux militaires étant submergés ?  En effet, la grippe espagnole touche beaucoup les soldats, victimes épuisées par près de 4 ans de combat dans les tranchées. La grippe aurait touché 402 000 soldats de septembre à novembre, et la mortalité aurait été de 30 282 cas soit 7.5%.

Le 29 septembre 1918, Fortuné est évacué malade (il ne retournera dans son unité que le 4 décembre, après l’Armistice).

Claire et Marie Rose tombent malades à leur tour. Un petit lit est installé dans la chambre parentale et les deux malades, côte à côte sont soignées avec les remèdes du temps. La maladie commençait de façon très classique, après une courte incubation de 24 à 48h, par une hyperthermie brutale atteignant souvent 40°C ou plus, des céphalées, des courbatures, des frissons et une rhinopharyngite. Les formes bénignes se limitaient à ces symptômes. Mais pour d’autres patients, des manifestations pulmonaires graves s’installaient rapidement, parfois dès les premières 24h, voire même avant les signes typiques de la grippe, ce qui rendait le diagnostic difficile. Une atteinte rénale sévère, des signes cérébraux, somnolence ou délire, étaient fréquents. L’état de Claire empire et elle décède le 4 novembre 1918 à l’âge de 43 ans. Alitée près d’elle, Marie Rose, âgée de 10 ans, en réchappera, mais restera marquée à vie par cet épisode.

***

Les réactions de l’opinion publique, sont restées longtemps étonnamment discrètes. Aucune panique comme celles qu’avaient provoquées les épidémies de choléra du siècle précédent, pourtant moins mortifères. Il est vrai que le public était peu informé de l’extension et de la gravité de la maladie puisque les journaux avaient l’ordre de ne pas en parler. Les familles s’inquiétaient beaucoup plus des risques que couraient les maris et les fils sur le front. Et puis l’Armée allemande était en repli sur tous les fronts et l’on entrevoyait la fin de la guerre. Les bonnes nouvelles occultaient les mauvaises. Ainsi, le 6 juillet 1918, les lecteurs du Matin pouvaient se réjouir car les français avaient un nouvel allié. « En France, (la grippe) est bénigne ; nos troupes, en particulier, y résiste merveilleusement. Mais de l’autre côté du Front, les Boches semblent très touchés. Est-ce le symptôme précurseur de la lassitude, de la défaillance des organismes dont la résistance s’épuise ? Quoi qu’il en soit, la grippe sévit en Allemagne avec intensité. »

Quel bilan ? 1 milliard de malades, 20 à 40 millions de morts à travers le monde, près de 408 000 victimes en France. C’est dans le quart Sud Est de la France que la grippe sévit le plus durement. Les statistiques préfectorales indiquent que le département voisin des Hautes Alpes fut le plus touché avec 101 décès pour 10 000 habitants. Retenons qu’en quelques mois, la pandémie fit plus de victimes que la Première Guerre Mondiale.

Décès grippaux pour 10 000hab/département (sept 1918-avril 1919)
Acte de décès de Claire PONS

Pour en savoir plus:

– Une tragédie dans la tragédie, la grippe espagnole en France (avril 1918-avril 1919) https://www.persee.fr/doc/adh_0066-2062_2001_num_2000_2_1982

2 commentaires

  1. […] Je vais vous raconter l’histoire d’un dommage collatéral de la Première Guerre Mondiale. Ce ne fut pas le seul. Beaucoup de nos poilus ont péri non pas sous le feu des Allemands, mais de biens d’autres maux. Pour exemple, voir l’article de Aurélie (https://nosabsentspresents.com/2018/11/04/4-novembre-1918-il-y-a-100-ans-claire-beatrix-pons-succomb…). […]

    J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s